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"Pendant trente ans j’ai vécu dans l’ombre de Jacques Chirac..."


Lorsque son nom est évoqué, je ne pense pas au Maire de Paris, au politicien ou au Président de la République, mais à un homme à la curiosité permanente affichant un sourire constant et une fantastique vitalité, profondément tourné vers les autres et, comme les grands artistes, porteur d’un message qui ne sera compris que plus tard.

Toujours à l’écoute de l’autre, il était profondément convaincu qu’il faut se nourrir de toutes les civilisations. S’il était fier que l’Europe soit à l’origine du mouvement d’émancipation des peuples grâce aux Droits de l’Homme, cela n’introduisait pour autant à ses yeux aucune hiérarchie entre les civilisations, chacune portant à sa manière un regard différent sur le monde dont aucune ne peut se prévaloir de la vérité.

Partir à la rencontre des cultures et s’émerveiller de leurs richesses n’était pas pour Jacques Chirac une posture médiatique ou anecdotique mais le résultat d’un amour profond pour l’Humanité dans toutes ses facettes.

Ma toute première photographie de lui remonte à 1984. Il était Maire de Paris, il avait 52 ans, j’en avais 18. C’était lors d’une réception à l’Hôtel de Ville, j’avais été appelé à remplacer des photographes du service de presse, je me souviendrai toujours combien j’avais été à la fois impressionné et tremblant face à ce grand escogriffe.

Ma toute dernière image de lui date de l’été 2016, je voulais réaliser des photos de ses mains et qu’il pose avec l’une des statuettes Africaines qu’il gardait précieusement dans son bureau rue de Lille, il a gentiment accepté et a même esquissé un léger sourire. Ce furent mes dernières photos de lui.

Jacques Chirac n’aimait pas les photos dans lesquelles il apparaissait, mais il aimait la photographie, celle qui montrait l’autre, les autres, celle qui lui permettait d’assouvir sa curiosité et ses interrogations sur le monde. J'ai à ce titre toujours été frappé par le fait qu'il ne dispose d'aucune photo de lui dans son bureau à l’Élysée.

J’ai encore à l’esprit un voyage officiel au Mali en octobre 2003 en pays Dogon où nous avions pu assister à une danse cérémonielles des masques. J’ai eu l’idée de lui offrir pour son anniversaire un album retraçant ce voyage avec des photographies de lui, des danses, des masques… Quelle n’a pas été ma surprise de voir l’album me revenir une semaine après avec toutes les images où il apparaissait et dont il avait découpé et gardé toutes celles contenant des masques et de la danse !

Les photographies sélectionnées pour cette exposition ont une seule ambition : s’approcher au plus près de la formidable quête humaniste que fut celle de Jacques Chirac.

Comme le disait si bien Robert Franck : « Les visages sont plus intéressant que les paysages ».


Eri© Lefeuvre

Photographe Auteur Journaliste
 

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